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Documentaire : "Graffiti : peintres et vandales", du métro à la galerie d'art

En ce jeudi 19 janvier, au coeur des Halles, le documentaire "Graffiti : Peintres et vandales" est de nouveau projeté avec des scènes inédites, en présence de son réalisateur, Amine Bouziane.

La petite salle de la médiathèque de la Canopée la fontaine est comble pour la projection d'Amine Bouziane en version longue. Après une avant-première qui n'avait pas permis à tous les intéressés de voir le film, la médiathèque organisait une nouvelle séance en invitant, le réalisateur mais également See, Maxime Drouet et Cokney, ce dernier n'a finalement pas pu se libérer.

Le film est le fruit de plus d'un an de travail de la part du réalisateur. Il est aisé de comprendre pourquoi, tant il est foisonne de portraits, de tournages à risque, d'investigation et d'entretiens avec les plus grands du graffiti (Futura 2000, Quik, Fuzi des UV TPK, KEAG, SORE ou ZEVS…). Les séquences sont entrecoupées de citations de graffeurs, dont les points de vue se répondent et se complètent.

Photographie de KEAG graffant

La thèse du film est de présenter l'ambivalence qu'il existe aujourd'hui entre une reconnaissance des stars du milieu, comme Jonone, désormais exposé à l'Assemblée Nationale et la répression sévère d'autres acteurs beaucoup moins acceptés socialement. S'enchaînent alors des scènes invraisemblables, comme le moment où Claude Bartolone, président de l'Assemblée sert la main de Jonone pour son interprétation de la Liberté guidant le peuple de Delacroix et en parallèle de cette intronisation on suit le procès de SAEIO qui doit près de 40 000 € à l'Etat.

“Le débat reste ouvert sur une opposition, ou non, entre vandales et artistes, rues ou galeries”

Le film met ainsi en lumière l'écart qui se creuse entre des réactions diamétralement opposées face au graffiti. Tout au long de la projection, le débat reste ouvert sur une opposition, ou non, entre vandales et artistes, rues ou galeries, murs ou toiles. Mais il est bien plus complexe qu'il n'y paraît, il n'y a pas qu'une solution, une vérité manichéenne. Il s'agit certes d'une grande famille, mais avec plusieurs courants où certains ne vivent que pour les murs ou les roulants quand d'autres estiment que la reconnaissance sociale passe par les expositions.

Pour Maxime Drouet, graffeur invité à la projection, toute visibilité est une bonne chose tant qu'elle génère un intérêt du public. Il explique alors que dans son cas il peint pour lui, principalement dans le métro où ses oeuvres sont régulièrement effacées. Une fois sa photo prise il ne voit aucun intérêt à laisser une trace, au contraire il se réjouit de trouver une "toile vierge" gracieusement fournie par la RATP à chaque fois.

Une vie parallèle à la société

Pour un art anti-système, il peut effectivement s'agir d'une forme de victoire lorsqu'il est reconnu par ce même système tout en étant incompris. Ce paradoxe est bien illustré lors de la vente de certaines oeuvres par Artcurial, maison de vente aux enchères, où des pièces sont estimées par des soit-disants experts, qui n'ont aucun lien avec le monde du graffiti. C'est aussi ce que montre une séquence amusante lors de l'exposition d'un artiste, lorsqu’une dame assez chic lance "Ces toiles sont superbes, pas comme les gribouillages que l'on voit dans la rue…". Mais cette récente popularité dérange encore certains, pour qui la reconnaissance et le respect de leurs pairs suffisent. La galerie est alors un bonus et non une consécration, "ceux qui attendaient ça n'ont rien compris, ce n'est pas le but".

Photographie de SEE taguant un métro

On retiendra également des témoignages marquants comme celui de See, présent à la projection. Cette véritable légende du graffiti parisien livre son parcours d'une voix éraillée. Son truc à lui c'est le vandale, il vit aujourd'hui comme un marginal, dans des squats, avec une ardoise de 100 000€ envers l'Etat, lui qui était un "petit" quand il a commencé, faisant partie de la deuxième génération de graffeurs parisiens. Anciennement KRUZ, puis AISE qui donnera See, il se fait arrêter pour la première fois en 1992, puis une deuxième fois en 2003 et enfin en 2014. Il ira même jusqu'à faire un court séjour en prison… Il tag aujourd'hui à visage découvert, celui qui n'a plus de compte en banque ni de carte d'électeur n'en a "plus rien à foutre". Un mode de vie qui peut prendre des formes radicales comme avec Utah et Ether, qui vivent aujourd'hui comme des vagabonds partout dans le monde pour exercer leur art.

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