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La valse des mouvements : une danse à deux temps ou à contre-courant ?


La République en marche, La France insoumise, Le mouvement du 1er juillet 2017, Dès demain, Les Patriotes, sont autant de mouvements politiques ayant émergé ces dernières années pour ne pas dire depuis deux ans. Le mouvement le plus ancien de ceux précédemment cités est La France Insoumise, lancée en février 2016. Cet essor des mouvements politiques au sein de la Cinquième République peut surprendre et même interroger. Il est vrai que l’accession au pouvoir au sein de la Cinquième République était jusqu’alors conditionnée à l’appartenance à un parti politique. Il ne peut être nié que la victoire d’Emmanuel Macron aux élections présidentielles et législatives de 2017 constitue, si ce n’est un bouleversement politique au sens des idées, une révolution au sein du jeu politique. Emmanuel Macron a démontré que l’appartenance à un parti, dit de gouvernement, n’est plus l’élément essentiel de la conquête du pouvoir au sein de la cinquième république.

Cela constitue une évolution majeure du jeu politique français. Les partis ne seraient en conséquence plus l’Alpha et l'Oméga de la politique française.

Cependant, ce constat se doit d’être en parti nuancé. Le fait que la République en Marche ait évolué pour devenir un parti peut laisser penser que cette forme d’organisation politique conserve tout de même une importance significative.

Les mouvements ne seraient donc t-ils pas une simple danse à deux temps dans la mesure où ils ne sont que la première étape avant la formation d’un parti ?

Ou ne sont-ils pas au contraire une forme d’organisation gagnant en légitimité et souhaitant véritablement rompre avec le temps des partis ?

Il devient en conséquence nécessaire de définir ce qu’est un mouvement politique et de le différencier d’un parti politique pour comprendre les avantages que constitue le fait de s’organiser soit en parti soit en mouvement.

Qu’est-ce qu’un mouvement a de particulier par rapport a un parti ?

Selon le site vie-publique.fr, le site du service public, un parti politique est “une association organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie commune, dont elle recherche la réalisation, avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir “. Il est tout de même possible de spécifier un peu plus cette définition. Un parti politique traditionnel se caractérise également par le fait qu’il soit organisé par des membres élus et que son but premier soit l’accession au pouvoir.

Une fois cette définition comprise il est possible d’expliciter ce qu’est un mouvement politique. Selon le Parisien, un mouvement n’est pas “organisé par des membres élus mais vise à convaincre les citoyens et/ou les membres d'un gouvernement à s'engager sur les préoccupations du mouvement”. Ainsi, un mouvement se caractérise par le fait qu’il se centre autour de problématiques précises. De plus, l’une des caractéristiques des mouvements cités plus haut est qu’ils soient organisés autour de l’aura d’une personne ou de trois dans le cadre de Dès Demain. Il est vrai qu’il est frappant à quel point ces mouvements sont centrés autour d’une personne semblant indiquer le fait qu’ils ne servent les intérêts que de cette personne en question.

Comment expliquer alors la multiplication des mouvements politiques en marge des partis alors que jusqu’à présent le parti était la matrice par laquelle la prise du pouvoir était possible ? Ne faut-il pas alors y voir le résultat d’une défiance toujours plus croissante des français à l’égard des partis ?

Pour répondre à ces deux questions, deux axes majeurs se dessinent. Le premier est le fait que l’essor des mouvements est le résultat de lignes de fractures trop importantes au sein des partis traditionnels conduisant les hommes politiques à trouver de nouvelles formes d’organisation pour développer leur ligne idéologique. Le second axe est celui définissant l’idée selon laquelle le mouvement s’impose comme étant la forme la plus adéquate pour assouvir les ambitions personnelles.

Les multiples divisions au sein des partis traditionnels justifient l’essor des mouvements

L’exemple de l’évolution du feu Parti Socialiste et du parti Les Républicains semblent mettre clairement en avant le fait que le jeu des partis de gouvernement ne permet plus d’aboutir à une synthèse politique acceptable par tous les membres du parti. En effet, le quinquennat de François Hollande a permis de mettre en évidence des fractures idéologiques non négligeables au sein du PS. Il est vrai que la mise en place de la politique d’Hollande s’apparentant à la social-démocratie a conduit à faire émerger d’importantes frustrations comme en témoigne l’émergence de frondeurs. Ces derniers sont l’exemple premier de la fracture idéologique au sein du parti socialiste. En effet, comme Benoît Hamon ou Jérôme Guedj, bon nombre d’élus du parti socialiste ont refusé de voter les réformes conduites pourtant par la majorité présidentielle qu’ils étaient censés incarner. En faisant cela, ils ont mis en lumière le fait que les divisions étaient telles que le PS n’avait plus de cohérence dans la mesure ou le parti ne permettait plus de définir une idéologie commune a tous ces membres. Cette difficulté ne pouvait que conduire à son explosion et donc à l’essor de nouvelles formes d’organisation politique comme en témoigne l’avènement du mouvement du Premier Juillet 2017 de Benoît Hamon, candidat malheureux de la dernière élection présidentielle. Il est vrai que le mouvement étant par définition une organisation de plus petite taille et ou la synthèse politique est plus facile, il s’est imposé comme la forme d’organisation la plus appréciable.

Un autre exemple de ces lignes de fractures trop importantes au sein du parti socialiste serait celui de l’échec considérable de la primaire dans la mesure ou suite à la victoire de Benoît Hamon, bon nombre de cadres du PS n’ont pas jugé souhaitable de soutenir le candidat, pourtant élu pour représenter le parti, le conduisant à sa perte.

L’autre cas particulièrement criant est celui de l’évolution du parti Les Républicains. Les divisions, bien qu’existantes dès la primaire de la droite et du centre fin 2016, se sont faites ressentir et sont devenues visibles surtout après la victoire d’Emmanuel Macron. En effet, ce dernier a fait exploser les Républicains. Le fait que Macron ait choisi comme premier ministre une figure montante des Républicains et que plusieurs de ces ministres soient également membres du parti, a conduit à la mise en lumière de divisions criantes. Ainsi, ces personnalités s’inscrivent dans un courant idéologique de centre droit, c’est-à-dire libéral. Or, cela se fait à l’heure où les Républicains sont en passe d’élire Laurent Wauquiez a leur tête qui est pour sa part beaucoup plus à droite de l’échiquier politique. Ces deux lignes sont très différentes et cela aboutit de nouveau à des fractures. En effet, les députés “les Républicains” défendant une ligne de centre-droit se sont constitués en un groupe parlementaire nommé “Les Constructifs” et il ne serait pas surprenant que, si Macron échoue pendant son mandat à convaincre une majorité des Français, ce groupe se constitue en mouvement. De plus, comment justifier une certaine unité au sein des Républicains entre des personnes aussi différentes que Thierry Solère et Laurent Wauquiez ?

Le piège des primaires...

Ainsi, des lignes de fractures trop importantes semblent justifier l’éclatement des partis traditionnels et l’essor des mouvements. En ce sens, les primaires sont un piège pour les partis car, bien qu’étant un outil démocratique non-négligeable, elles mettent en péril l’unité de ces derniers. En effet, elles exacerbent les différences au sein des partis, incitant les candidats à s’opposer de manière idéologique conduisant à des divisions irréconciliables. Un autre exemple aurait pu être celui du départ de Florian Philippot du FN et de la constitution de son mouvement “Les Patriotes”.

Les mouvements, au service des ambitions politiques

Cette explication n’est pas la seule permettant d’expliciter l’essor des mouvements. Il est vrai que les mouvements sont de plus en plus nombreux également parce qu’ils s’imposent comme un moyen particulièrement efficace pour assouvir les ambitions personnelles.

Une fois cette idée définie, comment ne pas parler de La République En Marche. Il est vrai que c’est le premier exemple de mouvement victorieux. Il est possible de dire que c’est l’exemple fondateur du potentiel insoupçonné des mouvements politiques. Avec cet outil conçu comme une machine à convaincre, Emmanuel Macron est parvenu à réaliser l’impensable. En effet, il a réussi à s’imposer là où tout le monde pensait que seul le candidat des deux partis de gouvernement pouvait le faire. En s’épanouissant en dehors de la tutelle de Hollande et en refusant de participer à la primaire de la gauche, Macron a réussi un formidable coup politique.

Cependant, penser que Macron a uniquement bénéficié d’un contexte serait se méprendre. Il est vrai que Macron a également construit sa victoire sur la capacité de LREM à occuper l’espace politique et à mener un combat de terrain particulièrement efficace comme en témoigne l’essor des “Jeunes avec Macron” (organe fondamental au sein de LREM). Ainsi, le fait que LREM soit construit comme un mouvement supposant un lien très fort avec la base (les militants) a permis de séduire bon nombre de français y voyant un renouveau de l’action politique et y pensant percevoir un rapprochement avec la démocratie directe. Cela constituait la force du mouvement et constitue la faiblesse du parti LREM. En effet, depuis que ce dernier est constitué en parti, une frustration semble émerger de la base. Ainsi, une trentaine de militants ont décidés, à la fin de l’été, de mener une action en justice pour dénoncer les nouveaux statuts de LREM qu’il jugent comme trop peu démocratiques. Interrogé par BFMTV, Rémi Bouton, animateur du comité LREM Denfert, pointe également du doigt le fonctionnement trop vertical du mouvement : "On est heureux qu’Emmanuel Macron soit arrivé à l’Elysée, et maintenant que c’est fait, on a En Marche ! qui décide de changer de statuts. On s’est retrouvé avec des statuts en quelque sorte imposés par le QG. On a essayé de les avertir, de leur dire qu’on aimerait débattre, c’est la démocratie, c’est participatif, et on a eu une fin de non-recevoir". Ce constat ne permet cependant pas de nuancer le fait que le mouvement se soit imposé comme un outil non-négligeable pour assouvir les ambitions personnelles, mais comment l’expliquer ?

Personnalisation toujours plus grande de la vie politique

Ce constat peut être justifié par le fait que le mouvement permet de centrer les attentions autour d’un Homme. Ainsi, la particularité des mouvements qui sont apparus ces deux dernières années est qu’ils soient profondément tournés autour d’un Homme. Que serait LREM sans Macron ? Le mouvement du premier Juillet 2017 sans Hamon ? Ce phénomène s’inscrit parfaitement avec les institutions de la Cinquième République qui conduisent toujours à une personnification de la vie politique. Ce ne sont pas des idées qui sont choisies mais des Hommes. Or c’est en ce sens que le mouvement est une danse a deux temps car il est centré autour d’un Homme, de ses ambitions or pour les assouvir deux rendez-vous sont primordiaux : la présidentielle et les législatives.

Évolution ou véritable révolution ?

Ainsi, l’essor des mouvements semble pouvoir être justifié par une fracture toujours plus importante au sein des partis et semble être la meilleure forme pour assouvir les ambitions personnelles. Cependant l’analyse de la situation politique actuelle ne permet pas d’affirmer que ce constat est fait pour durer. En effet, le mouvement ne servirait qu’une évolution des forces politiques françaises mais ne constituerait pas une véritable révolution du jeu politique. Ainsi, le mouvement ne serait qu’un exutoire de la défiance toujours croissante des français à l’égard des partis semblant augmenter la démocratie puisque donnant plus de place à la base. En ce sens, le mouvement n’est qu’un prélude à la formation d’un parti quel qu’il soit. Ce constat s’explique par le fait qu’une fois qu’un mouvement a pris de l’ampleur il est nécessaire de l’institutionnaliser pour élargir la base qui le supporte.

Or, le parti a de particulier le fait de rassembler un plus grand nombre de personnes, ne se limitant pas à certaines problématiques et en ayant une plus grande visibilité. De plus, le parti possède certains avantages logistiques et matériels. Par exemple, le parti bénéficie de subventions auxquelles le mouvement n’a pas droit. Le mouvement moderne peut être caractérisé comme une valse à deux temps. D’une part, comme énoncé plus haut, il se concentre avant tout sur les élections présidentielles et législatives et d’autre part parce qu’il ne semble qu’être un prélude à la formation d’un parti. L’essor des mouvements n’est en conséquence qu’une évolution du jeu politique s’expliquant par la redistribution des forces politiques de ces dernières années.

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