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Interview croisée : La candidature de Manuel Valls à la primaire de la gauche

1ère interview :

François Ernenwein, rédacteur en chef de La Croix

2ème interview :

Scott Sayare, journaliste américain freelance

ReciproK a interviewé deux journalistes sur la candidature de Manuel Valls à la primaire de la gauche qui aura lieu les 22 et 29 janvier 2017. Bien sûr, leur profession ne leur permet pas de donner un avis tranché et partisan sur la question mais leur expérience nous éclaire et nous informe sur les motivations de l’ancien premier ministre.

François Ernenwein à gauche et Scott Sayare à droite

La candidature de Manuel Valls fragilise-t-elle la primaire de la gauche en divisant encore plus l'électorat de gauche ?

François Ernenwein : Non, il fallait quelqu’un issu du camp gouvernemental pour porter le bilan du quinquennat. De plus, Manuel Valls conduisait le gouvernement donc je le considère légitime à pouvoir représenter et expliquer le bilan. Ils ne prendra pas l’électorat de Jean-Luc Mélenchon ou d’Emmanuel Macron car ils ne vont pas à la primaire. Valls veut donc être le candidat de “ce qu’il reste” de la majorité. Ce qui est sûr c’est que la perspective d’atteindre le second tour est assez faible car aujourd’hui la gauche est en morceaux.

Scott Sayare : Tout le monde est légitime à se présenter, il n’y a pas de candidat majoritaire. Certes, plus il y a de candidats au sein de la primaire, plus il y aura de divisions, mais Manuel Valls ne porte pas la responsabilité de diviser la gauche. Si Valls perd la primaire, il se rangera derrière le gagnant, on peut donc espérer que ses électeurs se rassembleront derrière le vainqueur, qui aura alors suffisamment de votes pour participer aux élections présidentielles. Ce dont on est tous sûrs c’est que Marine Le Pen sera au premier tour, il faut donc un candidat suffisamment fort et consensuel pour lui faire face.

Peut-il rassembler la gauche dans sa globalité (EELV jusqu’au centre) ?

F.E : Ce n’est pas gagné, l’ancien premier ministre fait une campagne à contre-emploi car pendant son mandat, il a été un membre actif de la division. Il a pris position en faveur de la déchéance de nationalité et de la loi travail et a contribué à sortir des membres d’EELV du gouvernement. Il a aussi tenté de rebaptiser le parti socialiste. Ses prises de positions ont fortement divisé la gauche. Aujourd’hui il se présente comme le candidat rassembleur ce qui ne convient pas à tout le monde. Le fait qu’il incarne la partie droitière de la gauche au pouvoir est aussi un sujet de contestation au sein de la gauche.

Quel est son créneau de campagne ? Son idée principale, celle qu’il va porter tout au long de la campagne et qui va le démarquer des autres ?

F.E : Valls n’a jamais fait une politique hostile à celle du président, ils ont travaillé en duo tout au long de leur mandat. Il va donc mettre en avant la politique de la gauche au pouvoir tout en essayant de rassembler ce qu’il reste de la gauche.

Pour se démarquer, il va sans doute utiliser l’argument de son statut, premier ministre pendant deux ans et demi ; un argument que bons nombres de ses concurrents n’ont pas.

S.S : La fierté de Valls est le thème de la sécurité qu’il a suivi tout au long de son mandat. Il a été premier ministre durant un quinquennat violent et a dû prendre des décisions complexes. De plus, Valls était d’abord un communicant du PS avant d’être un politique. Il pourrait essayer de mieux communiquer sur l’action gouvernementale afin d’expliquer les actions entreprises au cours du quinquennat.

Au contraire, il va peut-être choisir de dénigrer le quinquennat car il n’a pas été très glorieux. Il pourrait expliquer ce qu’il aurait voulu faire de différent. Néanmoins, il est dans une situation assez compliquée car il a lié son image à celle de l’homme politique le plus impopulaire. Sa stratégie reste à définir.

Quels sont les côtés de sa personnalité qui risquent de lui porter défaveur lors de la primaire ?

F.E : Valls incarne la partie droitière du parti socialiste. Il est assez autoritaire et droit dans son style de gouvernance, ce qui ne plaît pas à de nombreux partisans de la gauche.

S.S : Valls porte des idées vaguement de gauche et de droite aussi. En revanche, c’est une personne stricte dans ses prises de décisions ce qui pourrait l’aider face aux critiques faites à Hollande qui est vu comme un président qui manque de conviction.

Quels sont ses principaux concurrents ?

F.E : Au sein de la primaire, Vincent Peillon est probablement le candidat le plus concurrentiel politiquement. Il est entre une position de frondeur et de social-libéraliste. Hors de la primaire, Arnaud Montebourg est lui une menace car il est sur le créneau de la contestation.

S.S : Personne ne marche clairement sur ses plates-bandes. Certes ils sont tous social-démocrates mais ils ne conçoivent pas la gauche et le futur quinquennat de la même manière.

Que pensez-vous de son slogan : “Faire gagner tout ce qui nous rassemble” ?

F.E : Lorsque j’entends ce slogan je comprends que tout ce qui nous rassemble est plus fort que tout ce qui nous divise.

S.S : Le slogan est assez étrange. Il témoigne de deux choses. La première est que c’est une phrase convenue car conçue dans un cabinet de communication. Cela ressemble un peu à un mixage de mots à la Frankenstein, ça ne ressemble pas à la personnalité de Valls. Ce slogan reste suffisamment vague pour qu’on puisse y calquer n’importe quelle idée. Je ne le trouve ni beau ni clair mais si ça marche on pourra dire que c’est un bon slogan.

Social-démocratie : Les partis sociaux-démocrates se caractérisent par des liens étroits avec les syndicats ouvriers dont ils sont l'émanation politique. En France, le PS est considéré comme étant social-démocrate.

Social-libéralisme : l'expression "social-libéralisme" est utilisée pour désigner un socialisme qui a adopté certains thèmes du libéralisme économique. En France, les partis qui se revendiquent sociaux-libéraux sont le Parti radical de gauche et la Gauche moderne. Cette expression est connotée péjorativement lorsque les autres partis de gauche l’utilise pour décrire la politique de l’aile droite du Parti Socialiste et notamment la politique de la gauche au pouvoir.

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